Ce second article de notre Chemin Compostelle 2023 nous conduit d’abord au Puy-en-Velay, et nous lance sur le Chemin après la bénédiction des pèlerins en la Cathédrale Notre-Dame-du-Puy, et… la chute
Ven. 11 – Vers le Puy-en-Velay
La balade vers le Puy-en-Velay est très belle, sous un beau ciel. Nous prenons l’option A36, A39 avec ses belles aires de services (celle du Poulet de Bresse est bien visible !), A40, A42 et le contournement de Lyon par la rocade Est (N346 et A46) puis A47, et finalement la N88 jusqu’aux abords immédiats du Puy-en-Velay que nous atteignons assez tôt.
Nous décidons donc de nous stationner en souterrain en centre ville, et de nous nous dirigeons vers la cathédrale et le Relais St-Jacques dont j’avais omis de regarder l’heure d’ouverture.
En chemin, nous passons à l’office du Tourisme et outre deux plans différents de la ville, nous obtenons l’emplacement de toilettes. Celles que nous utilisons ne méritent même pas ce nom de toilettes : il n’y a même pas possibilité de se laver les mains et la propreté est à revoir. Situées dans un bâtiment officiel, c’est, pour nous, parfaitement dégradant. Un peu plus loin, nous passons devant le point de départ de la Voie du Puy.
Nous grimpons les rues assez escarpées. Nous regardons, visitons la cathédrale et profitons de la faible affluence du moment pour faire tamponner nos credencial à la date du lendemain, pour la Messe des Pèlerins. Nous admirons bien sûr la statue de Saint-Jacques en bois.
Puis nous prenons un pot sur une petite terrasse attenante qui donne une vue d’en bas sur la Statue de la vierge à l’enfant qui domine la ville. Nous constatons qu’il faut attendre 15 h pour pouvoir accéder au Relais.
Nous redescendons au stationnement chercher la voiture et gagnons le gîte des Capucins, sur le Chemin de St-Jacques, pour installer Jojo qui doit y dormir 2 nuits.
Nous en repartons avec les sacs à dos, mais au bout de quelques centaines de mètres, je pense avoir oublié ma réserve de fruits secs. Demi-tour, donc, sous le soleil.
Nous regrimpons la colline pour aller à notre gîte le Relais St-Jacques à 3 mn de la cathédrale, et nous nous y installons après avoir attendu qu’une pèlerine suisse finisse de s’enregistrer auprès de l’équipe de 3 bénévoles sympathiques et efficaces qui a pris son service ce matin après la passation de consignes. Il s’agit de Maryse, de l’association de Bourges, de Bernard et de Jean-Pierre, qui eux sont de l’ARA1 de mémoire.
Nous nous baladons en ville tous les trois et décidons de dîner dans l’ancienne basse ville.
Les hospitaliers nous ont donné rendez-vous au gîte pour 21h30 pour aller admirer les jeux de lumière de 21h45 sur le Rocher Saint-Michel d’Aiguilhe. Au passage, notre guide improvisé nous commente ce que l’on peut voir : il insiste sur la belle vue en contre-bas de la Statue de la Vierge à l’enfant : la Statue de Notre-Dame de France, et quelques mètres plus loin, la statue de St-Jacques.
Nous nous installons juste à temps. Hélas, un ennui technique empêche la vision attendue : il s’agit de l’histoire géologique du rocher. Il semble que l’ennui ait été résolu pour les répétitions suivantes.
Alors nous rebroussons chemin en repassons devant la maison du département sur le pignon de laquelle une autre animation est visible, très moderne, celle-là. Nous gagnons cette cour intérieure. C’est spécial. Basile attire notre attention sur un train de satellites en cours de mise en orbite autour de la terre. Spectaculaire !
Devant la cathédrale, elle aussi illuminée, nous nous séparons de Jojo qui va regagner son gîte des Capucins et nous allons à notre gîte, non sans se donner rdv à la messe des pèlerins de 7h à la cathédrale.
En retournant à son gîte, elle admire et photographie d’autres illuminations.
Sam. 12 – Le Puy-en-Velay – Montbonnet
Nous nous levons assez tôt pour petit-déjeuner, donner notre contribution à l’accueil, et sortons du bâtiment : Jojo est là devant le gîte : c’est une belle surprise.
Nous gagnons la cathédrale et nous nous installons dans les premiers rangs de gauche, juste derrière les sœurs grises de St-Jean qui officient en même temps que le prêtre.
Autre surprise, le prêtre qui se présente à l’heure dite porte une calotte rouge : il s’agit de l’archevêque du Puy en Velay. Son discours est très bien, même pour quelqu’un pour moi qui ne pratique pas et a pris de la distance avec l’église catholique ; à la réflexion, cela est compréhensible car cette cérémonie est vraiment œcuménique.
Après la séance de distribution de médailles, de petits évangiles de St-Luc, etc., les grilles du centre de la nef s’ouvrent sur les escaliers qui marquent à la fois la sortie des pèlerins et le début du Chemin de Saint-Jacques. Quel symbole ! C’est ce genre de choses dont je voulais que Basile les vive.
Nous nous mettons en route dans les premiers, après que Jojo ait immortalisé nos premiers pas sur les marches de la cathédrale.
Il y a peu de monde autour de nous, et cela sera le cas toute la journée. Nous sommes loin de la foule crainte !
Basile se montre attentionné pour moi qui lui ais demandé de marcher à son rythme. Il m’attend et reprend sa marche. A une croisée du chemin, nous nous prenons en photo.
A un moment donné, après un arrêt pause à St-Christophe-sur-Dolaison,
je commence à être inquiet car je ne le vois plus devant moi… J’espère qu’il n’a pas pris la variante de Bains… Je suis soulagé quand à l’entrée de Lic, je le vois en contrebas du chemin en train de se restaurer quelque peu.
Il y a en effet une petite boutique tenue par une dame sympathique. Je me procure un petit sandwich que je ne mange qu’à moitié ; la dame, prévoyante, me l’a servi dans un cornet de papier pour permettre son transport.
J’en profite pour dire à Basile, avant qu’il ne reparte, de bien s’arrêter à la Chapelle Saint-Roch tout près de Montbonnet. Je le laisse partir et me remets en route peu de temps après.
La montée vers cette chapelle et Montbonnet est assez difficile sous le cagnard, mais finalement j’y arrive. Une dame âgée fait les honneurs de la chapelle, offre de l’eau à l’intérieur, et en raconte la légende. C’est un bon moment passé là.
Je retrouve Basile à un carrefour dans le village et nous progressons vers le gîte. Une pluie commence à tomber, d’abord quelques gouttes, puis plus conséquente. Je pose le sac et enfile mon poncho… J’invite Basile à ne pas rester sous la pluie, mais sans succès.
Nous gagnons le carrefour où nous quittons le chemin pour aller vers l’Escole et où nous trouvons une pèlerine. Karine. Comme il est avant 15h, le gîte n’est pas encore ouvert. Fanny nous invite à patienter dans le pré où elle a installé une table de pique-nique juste derrière la maison.
Mehdi, son compagnon, nous demande de bien vouloir changer de prestation pour accommoder un groupe de 6 pèlerins. Nous acceptons moyennant 2€ de plus par personne.
Nous nous installons ; nous serons les trois, Karine et nous deux dans la même pièce avec salle de bains complète comprise. L’accueil est sympathique avec une boisson fraîche élaborée à partir de plantes locales. En discutant avec Fanny, notre hospitalière, j’apprends qu’un des ses auteurs favoris est Thich Nhat Hanh : elle me montre deux livres : de lui, « ce monde est tout ce que nous avons » et de Neale Donald Walsch : « Conversations avec Dieu« .
Douche, lessive, épandage, discussion avec Stéphane, randonneur qui rentre d’un trek qui s’est terminé à Laguiole, Jacques, un flamand, depuis 2 mois sur le chemin de St-Jacques, Brigitte, une suissesse du Valais en Suisse, Graziella, dans la mode, etc. Nous apprenons que Karine est infirmière.
Le repas est excellent concocté par Fanny avec une soupe délicieuse avec des épices inconnues de moi, un gratin de courgettes surprenant, une mousse au chocolat que j’ai trouvée tout-à-fait bien, moi qui n’aime pas cela d’habitude.
Le service est fait par Mehdi, mais desservir la table est le lot des pèlerins. Tout le monde participe.
Il est temps de dormir, après les derniers conseils pour demain par Mehdi, dont celui de ne pas emporter trop d’eau car il y a beaucoup de points d’eau sur le chemin.
Pendant ce temps là, Jojo fidèle à sa mission, visite le Puy-en-Velay, revient dans la cathédrale, et retourne au(x) restaurant(s) et réalise son propre reportage : voici quelques photos…
Dim. 13 – Montbonnet – Monistrol d’Allier
Après un petit-déjeuner en autonomie et vaisselle faite, nous prenons la route.
La montée au Lac de l’œuf se fait assez bien Basile étant largement en tête. Sur la partie plate à la sortie du village, Basile a déjà pas mal d’avance. Au passage, dans la montée, je vois des pèlerins en autonomie avec tente en train d’émerger de celle-ci.
Arrivé au point haut, 1208 m d’altitude, étant parti de 1100 à peu près, je trouve Basile en train d’écouter les Laudes sur son téléphone. Je n’y étais pas préparé du tout, mais à la réflexion, j’aurais dû m’y attendre !
Je pars en avant et assez rapidement, il me dépasse. Les paysages avec cette lumière du matin, sont splendides… Je goûte l’instant.
Une voiture avec « Convoi agricole » sur le toit m’interpelle. Un couple de paysan en sort. Je discute un peu avec eux ; ils vont récupérer la moissonneuse-batteuse qui est dans le champ à coté.
Ils confirment avoir vu un jeune homme en avant. Je leur explique la situation : nous sommes papi et petit-fils. Ils trouvent cela très sympathique. Nous sous saluons devant ces paysages magnifiques dans cette belle lumière et je poursuis mon chemin. La descente, peu raide, est facile.
Je pensais trouver Basile à la traversée du Chier, mais non, il est en avant. Je croise ensuite un promeneur qui me parle de Basile. Il avance bien.
Arrive la grande descente sur Saint-Privat-d’Allier… c’est beau et difficile. Arrivé au petit pont de bois qui marque la fin de cette descente assez éprouvante, je me sens soulagé : cela devient à peu près plat.
Je dois manquer de vigilance car je glisse sur le sable et tombe sur le coté du sac à dos. Je dois me mettre à quatre pattes pour pouvoir me relever. Je suis déjà fatigué de cette descente. Je m’assieds sur un petit banc rustique à une vingtaine de mètres. Je m’y repose un instant et reprend ma marche vers le cœur du village…
… où je vois Basile qui me dit que Jojo, sa mamie, est présente… Il me tend une chocolatine (ou petit pain au chocolat) alors que je m’assois à coté de lui. Jojo apparaît venant de la belle église romane… Basile a pris le temps d’acheter 2 saucissons secs : il a dû souffrir de la faim au Portugal pendant les JMJ, deux jours sans manger ! Il m’annonce cet achat avec le grand sourire d’un enfant pris en faute !
Basile repart, et je demande à Jojo si elle veut prendre un café avec moi. Je lui raconte ma chute mais indique vouloir continuer alors que je ne me sens pas franchement en forme. Prémonitoire ? Cette première descente a été vraiment éprouvante.
Au café, je discute un peu avec des touristes attablés à coté de nous. Puis je repars. Cela grimpe pas mal sous le soleil. Et je dépasse un couple de pèlerins en train de faire une pause. Je poursuis mon chemin. J’essaie de m’hydrater, sans doute pas assez si j’en juge par le contenu de ma gourde hier soir en arrivant au gîte.
La montée sur Rochegude est faite sans trop de mal et un groupe de 4 jeunes enfants m’y propose un petit spectacle de danse. Je décline car je n’ai pas le goût de m’arrêter, ce que j’aurais sans doute dû faire.
J’entame la descente vers Monistrol d’Allier, en sous bois. Les racines à nu servent de marches d’escalier irrégulier, ou alors ce sont des rochers qui font cette fonction. Je reconnais cette descente, déjà parcourue deux fois déjà, et en particulier certains passages.
Et soudain, je me retrouve au sol, apparemment entier, face en avant, lunettes tordues, nez abîmé, main et surtout poignet ensanglantés… Je n’ai pas eu conscience de tomber, seulement de ne plus avoir de jambes. Je me relève, chausse mes lunettes, ramasse mes bâtons et poursuis ma marche.
Je passe à coté d’un couple, dont je saurai après coup qu’il s’agit de Myriam et de Pascal, qui me voyant avec du sang, m’offre de m’aider, de me soigner, etc. Je décline en disant que tout va bien. Ils me diront par la suite que j’étais décidé.
Plus loin, après plusieurs arrêts pour reprendre souffle, je décide de m’asseoir sur le bord du sentier, entre deux chaussées, en fait, un lacet de route, à environ 1,2 km de mon gîte. Et essaie de reprendre souffle.
Rapidement, je suis entouré, d’abord par Myriam et Pascal, puis Karine, infirmière avec laquelle nous avons fait étape hier soir. Puis c’est Stéphane et Peggy, Brigitte la suissesse du Valais, … J’ai le poignet qui gonfle et cela ne plaît pas à Karine qui me fait un pansement et un garrot sur l’avant bras qui avait tendance à gonfler… Karine est mon ange du Chemin.
Une leçon de ce chemin magnifique : on marche seul et en cas de problème, on ne l’est plus du tout !
Brigitte me vaporise de l’eau fraîche au visage et on me fait parler, pour ne pas que je m’évanouisse. Karine appelle le 15 qui envoie des pompiers. J’envoie des messages à Jojo et à Basile. Basile m’appelle et reviens : il était déjà rendu à la rivière, l’ Allier, tout près du gîte.
Il arrive avant les pompiers, Stéphane et Peggy descendent vers la route car on ne sait pas de quel coté arriveront les pompiers. Ils arrivent par le haut. Ils m’installent après quelques vérifications de mon état, sur une chaise spéciale pour me rapporter vers leur véhicule sur la route du dessus, à environ 200m du lieu de « cueillette ».
Basile les a accompagnés et je lui donne la consigne de ne pas changer son programme, c’est-à-dire, d’honorer notre réservation au gîte le « repos du pèlerin ». A ce moment, j’espère encore et toujours pouvoir le rejoindre au gîte.
Il y retrouve Jojo qui règle son hébergement et lui dit que les pompiers vont me conduire à l’hôpital du Puy-en-Velay. Durant mon transport, j’essaie de rester éveillé à la demande des deux pompiers qui sont à coté de moi : Lucie et Erwann soit Yves en breton ; je lui dis que Maman était bretonne bretonnante et qu’elle était partie au son du Bagad de Lann-Bihoué ; Je leur raconte également des éléments de ma vie : travail, chemin de Compostelle, etc.
Arrivé aux Urgences de l’Hôpital Émile Roux du Puy-en-Velay, je suis pris en charge rapidement par Maxime, dit Max qui me « teste » en me demandant de me mettre « à poil » sans quitter le brancard et de placer mes effets dans le grand sac plastique transparent qu’il met à ma disposition. Je me contorsionne et ne garde que mon slip de marche et il me tend une jaquette d’hôpital.
On me prend mes constantes, qui sont apparemment correctes, passe un électrocardiogramme, correct, scanner de la tête, OK lui aussi et prise de sang. Une enzyme leur pose problème. Il va falloir attendre 3 heures pour refaire le prise de sang pour vérifier l’évolution de ce paramètre. Pour l’instant, rien pour soigner mes blessures dont la plus marquante est au poignet où la dragonne m’a arraché la peau.
Entre temps, Jojo arrive à l’hôpital à la salle d’attente des urgences, me texte et je signale aux infirmiers que mon épouse est présente à coté.
Max me salue et dit transmette mon dossier à l’infirmière qui va reprendre la relève. Je le remercie de sa prise en charge, il me répond que Ben a été également de la partie ! C’est là que Gégé, tel est son surnom, entre en scène et me fait la prise de sang. Gégé est une personne, une infirmière comme on aimerait en avoir toujours à coté de soi.
De plus, apprenant que Jojo est québécoise, elle se met à prendre l’accent et c’est vraiment bluffant ! Rien à voir avec ce qu’on entend en général des français qui cherchent à imiter un des nombreux accents québécois.
Elle m’annonce que l’on va sans doute me garder la nuit et me pose une intraveineuse pour m’hydrater. Elle soigne mes plaies et prend le temps de découper le pansement du nez pour qu’il me gêne le moins possible : c’est une perle ! Merci Gégé ! Le temps passe lentement. Finalement, le paramètre qui pose problème ne s’améliore pas du tout.
Alors, oui, c’est sûr, on va me garder. Elle me sert un bon repas : une bonne soupe, une purée, du fromage, des yaourts et un petit pain. Excellent. Je dévore.
Je demande à Jojo de me quitter et d’aller à Saugues où elle s’est déjà installée au Centre d’Accueil et d’activité de la Margeride. Mais elle craint la route très sinueuse pour y retourner et décide de rester dans le stationnement de l’hôpital pour dormir dans la voiture. Bien entendu, j’ai signalé à Basile le fait que je restais l’hôpital pour la nuit, et que je pensais le revoir demain à Saugues.
On m’installe dans une des chambres de séjour de courte durée, la numéro 8 sur 8, ce qui fait que je verrai le médecin très très tard…
1ARA : Association Rhône-Alpes du Chemin de Compostelle